SOCIÉTÉ LAUSANNOISE
DE TIMBROLOGIE
Société fondée en 1888
Présentation

LONDON 2010

La Poste en ville de Genève 1843-1862

 

Notre membre Jean Voruz a récemment obtenu une médaille Grand-Or à l’exposition philatélique mondiale LONDON 2010, un fort beau résultat ! Dans cette interview, il nous en dit plus sur sa collection et sa passion.

Parlez-nous d’abord de votre sujet de collection ?

J'ai démarré en 2004. Mon sujet s’intitule « La poste en ville de Genève ». Il couvre la période classique en deux collections distinctes : 1840-1862 et 1863-1907. Nous parlons ici de la première époque. Le choix de Genève est venu naturellement: c’est une ville qui m’est familière, comme la région qui l’encercle où j’ai une multitude de souvenirs. Au plan philatélique, c’est un sujet très riche, puisque Genève est l’une des premières entités à avoir émis des timbres en Europe. Le sujet est travaillé depuis plus d’un siècle par les philatélistes, mais il reste encore beaucoup à découvrir. Je pense notamment à l’avènement de la poste fédérale et de la monnaie suisse unifiée, mais aussi aux débuts de la Croix-Rouge ou à l’arrivée du chemin de fer et du télégraphe. Ils ont bouleversé et révolutionné les services postaux de cette ville qui fut la plus importante de Suisse au 19e siècle.

24 oct. 1845, lettre pour Bossey (hors canton GE) affranchie à tort à 5c avec un Petit Aigle (Zst. 5).

Les timbres cantonaux
n’étaient valables que pour le canton de Genève. Le postier a tenté d’arracher le timbre. N’ayant pas réussi, il l’a oblitéré avec la 1ère rosette et n’a pas taxé la lettre. Seule pièce connue de ce type !

 

Pour une collection spécialisée comme la vôtre, où trouve-t-on des pièces ?

Tous les canaux de vente et d’échange ont leur pertinence. Il est clair que les pièces rares et très convoitées s’acquièrent plutôt dans les ventes aux enchères internationales de maisons renommées. Les pièces plus courantes peuvent être dénichées dans les bourses-expositions, sur les catalogues des diverses ventes sur offres ou encore auprès des sites d’enchères en ligne sur internet. Là, une grande vigilance s’impose, car le meilleur y côtoie le pire. L’expert Rémy Berra m’a convaincu qu’il fallait toujours viser la meilleure qualité possible: « On n’est pas assez riche pour acheter du bon marché! »

26 juin 1851, entier postal petit format (Zst. 071) pour Onex. Grilles croisées et cachet fédéral.

Ces entiers postaux émis en 1846 furent très peu utilisés. 24 pièces connues dans ce format, dont 6 après 1849.

Quel a été votre parcours dans les expositions jusqu’ici ?

Les choses ont commencé en 2005 avec l’exposition de la Journée du timbre organisée par la SLT. J’avais demandé que ma collection soit jugée, ce qui fut fait par Pierre Guinand, un expert que l’on ne présente plus. Ses conseils très avisés m’ont permis tout de suite de prendre la bonne direction. En 2006, j’ai exposé à Olten en degré III où j’ai d’emblée reçu une médaille d’or et le prix spécial du jury. Cette entrée en matière encourageante m’a incité à exposer à Zurzach l’année suivante, en degré II, où une nouvelle médaille d’or m’a été attribuée. Même résultat à Vienne (Autriche) en degré I, où se tenait la Multilaterale 2008. En 2009, j’ai répondu présent à Monaco, sur invitation du prestigieux Club de Monte-Carlo. Vint LONDON 2010, exposition mondiale placée sous le patronage de la FIP où la récompense la plus élevée, soit la médaille Grand-Or, m’a été décernée.

Vous avez obtenu la médaille de Grand-Or, c’est dire que le jury international a reconnu la valeur de votre collection, malgré son aspect d’histoire postale très « pointu » ?

On a l’habitude de dire que le jury connaît moins bien la matière présentée que l’exposant lui-même. Quoi de plus normal, étant donné le niveau de recherche et d’investigation qu’exige ce genre de compétition ? La manière de traiter le sujet prend donc ici toute son importance, tout autant que les connaissances et la recherche personnelle (les pièces exposées ne comptent que pour 30% des points !), car le jury dispose de peu de temps pour s’imprégner du sujet et se forger une opinion. Cela dit, la Poste cantonale de Genève est un domaine de grande notoriété en philatélie classique, qui dépasse nos frontières.

10 juin 1848, bande à journal pour Carouge (GE) taxée 3cs.

Deux pièces connues
dont une datée.

Quelle est la pièce la plus rare de votre collection ? Et la plus intéressante ?

Les pièces uniques sont les plus rares par nature. Il y en a une dizaine dans cette collection. Retenons peut-être cette bande à journal taxée 3 centimes au moyen d’une marque genevoise spécifique, en 1847. C’est la seule pièce datée que l’on connaisse. La plus intéressante ? Disons plutôt ma préférée, car on est là dans un domaine subjectif: il s’agit d’une lettre du 1er octobre 1849, 1er jour du tarif fédéral à Genève à partir duquel on doit affranchir à 7 centimes genevois. Ils équivalent à 5 centimes suisses à un taux de change transitoire. Le timbre cantonal à 5c compte pour 4c du fait de son prix de vente promotionnel et la poste complète en frappant une taxe à 3c. Tout est exceptionnel sur cet objet : la date, le timbre, le tarif, la taxe, etc.

1er octobre 1849, lettre pour la ville affranchie avec un Grand Aigle vert clair (Zst. 6) valant 4c et taxée 3c en vertu du nouveau tarif à 7c. 2e rosette et cachet fédéral GENEVE.

Onze pièces connues.

Premier jour du
tarif fédéral ! 

Quels sont vos prochains objectifs ?

Je pars à Lisbonne ce mois d’octobre, pour Portugal 2010, une autre exposition internationale patronnée par la FIP. Je me réjouis de comparer l’appréciation du nouveau jury par rapport à celui de Londres. Après quoi, il me faudra retravailler ma collection, car le règlement de la FIP impose de passer de 80 à 128 pages d’exposition, dès lors qu’on a obtenu une «note» suffisante. Je vais donc certainement marquer une pause en exposition. Je serais très intéressé à aller exposer au World Stamp Show de New York, en 2016.

10 juin 1863, lettre triple poids pour Thonon affranchie à 60c avec une composition mixte Strubel + Helvetia dentelée (Zst. 26G et 32). Cachet GENEVE à croix usées.

Affranchissements mixtes
de Genève pour la France: 3 pièces connues.

Quels conseils donneriez-vous à un collectionneur qui se lance ? Comment doit-il choisir son sujet et trouver des pièces ?

En Histoire postale, il me paraît indispensable de marquer un grand intérêt – sinon une passion – pour la période historique et l’environnement social du sujet, indépendamment de l’aspect philatélique. Ce conseil vaut également en thématique. Le sujet choisi doit être en adéquation avec les possibilités financières de chacun, car il ne faut pas faire de compromis avec la qualité des pièces. Celles-ci devraient être acquises individuellement et non dans des lots qui servent souvent à écouler le matériel de 2e choix. Idéalement, il faudrait n’acheter que la marchandise qu’on peut examiner au préalable, mais les maisons sérieuses acceptent les retours en cas de description inadéquate. Enfin, garder à l’esprit que ce hobby ne sied pas aux individualistes: les échanges et les activités sociales sont indispensables pour progresser. Et c’est tellement plus sympathique !